A la lumière des contentieux, parfois lourds, présents entre le monde de l’autisme et celui du handicap en général, la perspective d’un rapprochement entre ces deux mondes apparaît particulièrement complexe. Sa nécessité peut ne pas être manifeste de prime abord, y compris pour des acteurs fort engagés dans la cause, ces derniers pouvant être tentés de la condamner sur la foi de considérations générales sur, par exemple, la nature de l’autisme à leurs yeux par rapport au handicap, sans toujours bien percevoir les implications concrètes et de long terme de leurs avis théoriques. Quoi qu’il en soit, pour autant que la levée de la dichotomie séparant les deux univers soit jugée importante et urgente eu égard à la difficulté en soi grande des autres chantiers déjà en cours, l’ampleur de la tâche relative au rapprochement entre le monde du handicap en général et l’autisme paraît mériter une méthodologie à part entière, à nombre de niveaux. Peut-être que, imitant la méthode Monnet dans la construction européenne, il conviendrait d’amorcer le processus non point au niveau abstrait des dirigeants, mais sur le plan des mécanismes concrets de travail. Dans le cas tout d’abord des Cap Emploi (ou Sameth par extension), les expériences menées sur le plan local montrent que la contrainte est fort peu productive. Ainsi, imposer des formations à l’autisme, notamment théoriques ou générales, au personnel d’un Cap Emploi n’est guère couronné de succès. En revanche, concevoir une coopération concrète entre tel Cap Emploi et une association spécialisée en vue de l’inclusion professionnelle d’un adulte autiste est, dans les limites de ce qui est humainement prévisible, généralement couronné de succès, et constitue un précédent pour d’autres opérations communes. Pareillement, quoiqu’à un niveau d’abstraction plus élevé, une mention particulière peut porter sur le chantier, entamé il y a de cela nombre d’années puis peu à peu tombé dans l’oubli, de réécriture des divers formulaires existants dans le domaine du handicap, afin qu’ils incluent l’autisme. Une double approche peut être envisagée à cet égard : d’une part, la constitution de groupes de travail communs ou bien, d’autre part, après constat de l’absence relative de progrès en la matière, une clause plus générale, interdisant la publication de tout formulaire se présentant comme « tout handicap », citant certains handicaps mais omettant l’autisme, peut être envisagée. Les contraintes, trop fortes ou trop générales, sont parfois contre-productives. Des manières plus subtiles de procéder peuvent parfois être envisagées. Si la politique d’emploi des personnes handicapées en France s’articule de manière emblématique autour des sanctions associées au nonrespect d’un certain quota, ses résultats mitigés, en particulier pour ce qui est de la répartition des efforts entre les handicaps ainsi que pour l’aigreur générale qu’elle suscite auprès des forces vives du pays eu égard au handicap, n’incitent pas à n’explorer que cette voie. Une politique plus efficace de sanctions pourrait non pas s’appuyer sur des sanctions pécuniaires, mais par la dénonciation ciblée de certaines carences. Un exemple en la matière pourrait être la politique menée il y a quelques années par l’Agefiph ciblant spécifiquement les entreprises dites « zéro TH (travailleur handicapé) », en d’autres termes celles qui refusaient la moindre action en la matière. Parmi les axes d’action, la présente liste étant bien entendu non-limitative, pourrait être explorée la possibilité de dénoncer puis, dans une deuxième phase, rendre impossible le fonctionnement des délégations régionales de l’Agefiph n’ayant aucun projet réel lié à l’autisme ou n’y consacrant qu’une portion infime de leur budget ; de rappeler à l’ordre par un courrier ferme puis éventuellement par des refus de label les événements tels que les salons de l’emploi, de job dating, les campagnes de sensibilisation, qui se présenteraient comme étant « tout handicap » en faisant l’impasse sur l’autisme ou les handicaps invisibles alors même que d’autres handicaps y sont cités ; de former et sensibiliser les CRA n’ayant aucune action en matière d’emploi, tout en valorisant, y compris financièrement, les CRA actifs dans le domaine : ainsi, il serait juste que le CRA de Guipavas, qui organise des groupes de travail sur l’insertion professionnelle, soit mieux récompensé de ses efforts.